Le message du Cheikh Ben Badis
Par: Dr.Zahir Ihaddaden-
En ces jours heureux où le peuple algérien rend un hommage plein de ferveur à la mémoire de l'un des plus grands rénovateurs de la nation algérienne le cheikh Ibn Badis, le devoir nous incombe de dégager l'esprit et le sen du combat que cet intrépide chevalier de la foi a mené .
Devant l'attitude ironique et combien méprisante du Président du Conseil de la République française qui lui montrait les canons français avant la guerre 1939-1945 en guise de réponse aux « revendications » du Congrès musulman. Cheikh Ben Badis fit cette réponse laconique « nous avons un seul canon : none foi ».
Cette foi , cette flamme , qui animait cet homme courageux , lui a permis de vaincre tous les obstacles que les tabous de notre société, , que les difficultés de l'administration française, que les menaces et l'ex-communion de sa famille n'ont cessé de lui opposer .
Aux marabouts et aux charlatans qui dénaturaient l'esprit et la lettre de l'islam, il livra une lutte héroïque digne des premiers combats du prophète Mohamed. Aidé par sa conviction profonde et par un savoir très large, il démontra dans ses cours, ses écrits et par son action dont l'instrument le plus efficace était la création de l'Association des Oulémas, les dangers du déviationnisme maraboutique.
L’islam, pour lui, était un djihad permanent dont l'idjtihad ,) instituait l'élément dynamique. Une foi aveugle qui admettait la vénération des pierres. des arbres et des tombeaux est une foi qui ne fait que nous plonger davantage .'_ans les ténèbres de l'obscurantisme. La véritable foi est celle qui s'appuie, non seulement sur le Coran, le Hadith, mais aussi sur l'idjtihad. C'est grâce à l'idjtihad, c'est à dire à une réflexion profonde, basée sur la connaissance réelle des principes de la religion et des nécessités et problèmes de tous genres de notre époque, que cheikh Abdel-Hamid Ben Badis nous invite à sortir de la léthargie et à reprendre notre place dans l'histoire. C'est aussi par cette attitude d'homme éclairé, que cheikh Ben Badis répondait à l'administration colonialiste. Son sens aigu de la réalité lui a permis de comprendre qu'il fallait créer de l'agitation pour réveiller ce peuple que tant de révoltes à l'issue incertaine ont contribué à désarmer. Il enseigna aux gens, la langue de la religion, l'administration le pourchassa : il se réfugia à la mosquée « Djamaâ Lakhdar », se déplaça à travers l'Algérie, créa l'Association des Ouléma, accompagna une délégation en France, publia l'organe « Ach-Chihab ». Il disait et répétait que l'Algérie ne pouvait être la France, que l'Algérie, c'est une nation qui a un passé et qui a un avenir ; que les Algériens sont les seuls à même de connaître leurs intérêts (1).Il trouvait toujours devant lui une administration colonialiste de moins en moins disposée à l'entendre. Las enfin de faire entendre la raison, humilié par les hauts responsables de la République française, renié par son père à la solde de la colonisation s'adressa au peuple algérien dans un poème de feu :
« Guerre u tous ceux qui nous méprisent et nous humilient. La voie de notre destin ne peut être ouverte que grâce il la science et h la lutte armée ».
Nous étions en pleine effervescence politique. Le message fut accueillit tout d'abord. par l'administration colonialiste. par un mandat d'arrêt qui trouva le cheikh dans son lit de mort.
Il se répercuta ensuite. à travers tout le territoire algérien. pour devenir un chant patriotique dont les syllabes enflammées préparaient toute une génération à sacrifier sa vie pour que l'Algérie reste à jamais algérienne.
Si la Révolution de 1954 a permis de donner un sens et une réalité au message de Ben Badis. il convient de ne pas oublier que ce message a ouvert une autre voie sur laquelle l'engagement n'est pas encore effectif. Libérer notre peuple de tous les tabous qui continuent à l'enchaîner: redonner à l'idjtihad toute sa vigueur afin qu'une voie nouvelle. celle qui nous permettra de conserver notre personnalité et d'aller vers le progrès.
causeries sur l'Islam et les Musulmans/ Z.Ihaddaden/
Article écrit en 1966