Les Accords d’Evian, le périple périlleux
Par: Afaf ANIBA-
Sincèrement, j’ai dû reporter la lecture du témoignage de Mr Rédha Malek plusieurs fois et c’est dans l’attente de la parution de la seconde partie des mémoires du président Chadli Benjedid Allah Yrahmou que je me suis attaqué aux accords d’Evian, bien sûr, la version de Mr Redha Malek est le fruit de son travail, de son expérience directe et de l’effort de mémoire avec la somme des documents fournis en appendice.
Je dois dire que dés le début, j’ai été accroché par le contenu du témoignage de l’un des acteurs actifs des négociations entre le GPRA et le gouvernement Français sous la présidence de Mr De Gaulle..
Le travail fait était colossal, les hommes désignés par le GPRA que ce soit sous la présidence de Messieurs Ferhat Abbas ou de Ben Khedda ont travaillés d’arrache pied pour arriver à la version finale des accords d’Evian. Ce n’était pas du tout une tâche facile avec cinq ministres en prison en France un état-major à Ghardimaou sceptique, Boumedienne et ses compagnons, des pays frères Tunisie en tête qui avait un président Bourguiba, politicien très fin et dont les manœuvres ont quelques fois gravement dérangés nos hommes.
Sans parler des tentatives Françaises à réduire le droit à l’autodétermination à un simple cessez-le-feu et aux rebelles de rendre les armes !
Ce n’était pas chose aisé de louvoyer entre tous ces courants pour Mr Krim Belkacem et ses compagnons pour négocier une indépendance méritée. Le seul volet rose était la détermination de tous à garder le doigt sur la gâchette, pas question de cesser les combats. Pour nous autres Algériens, il était évident que le seul moyen de pression restait les armes, surtout que les timides contacts qui s’étaient ébauchés dès 1956 montraient clairement que l’ennemi Français n’avait pas pris une pleine mesure de l’impact négatif d’une guerre qui perdure.
C’était irritant de voir la politique de l’autruche que pratiquait l’Elysée sous différents gouvernement, les Français ne voulaient aucunement reconnaître le statut légitime de la résistance Algérienne à travers le FLN !
Sans la volonté de fer d’hommes comme Messieurs Boulahrouf, Boumendjel, Mendjeli, Yazid, Benyahia, Bentobbal, Mostefaï et tant d’autres nous n’aurons pas été au bout de nos peines. La direction de la révolution avec toute sa bonne volonté, elle avait ses propres réticences et les avancées à reculons parfois des négociations n’arrangeaient guère les choses.
Et pourtant quand le président Ben Khedda demanda l’avis de Boumedienne sur la reprise des contacts avec les Français en novembre 1961, ce dernier avait répondu: « Allez-y, nous ne sommes pas des enfants ! » Cela reflétait vraiment bien l’état d’esprit général. Bien entendu, entre les civils et les militaires il y avait des divergences de vue mais tout le monde avait tenu à garder secrète les graves dissensions qui agitaient l’intérieur.
Le rôle des Suisses à peser de leurs poids pour aller à des négociations sérieuses, en assurant gîte et sécurité est à relever, quitte à ce qu’un gendarme Suisse soit victime de sa propre bavure et perd la vie. Le plus drôle est que la première résidence des négociateurs Algériens Bois-d’Avault était gracieusement fourni par l’Emir du Qatar à l’époque Cheikh Ahmed Ibn Ali al-Thani !
Il fallait un moral de fer et une aptitude morale et physique à toute épreuve et cela n’a pas été mince du tout pour nos négociateurs, de part et d’autres ils ont butés sur le cessez-le-feu, le statut du Sahara, le statut de la communauté étrangère en Algérie, revoir les organismes destinés à la prospection, et la distribution du pétrole, les essais nucléaires, la relation privilégiée avec la France sur le plan économique, culturelle et politique, les enclaves tel que Marsa El-Kébir et d’autres bases aériennes française sur le territoire Algérie, l’exécutif provisoire, franchement il y avait de quoi perdre le sommeil et le repos car avec tout cela nos hommes devaient restés en consultation permanente avec Tunis, le siège du GPRA et la sécurité des uns et des autres étaient un autre défi, toujours sur le qui-vive, ce n’était pas une chose aisée sans parler du rôle monstrueux de l’OAS.
J’ai eu la nette impression et comme l’a dit Mr Redha Malek que le fond des accords n’a été obtenu que grâce à la position indomptable et déterminée de la partie Algérienne. Et j’ai découvert aussi un autre aspect souvent occulté et pauvrement étudié, celui de la torture pratiqué par certains combattants du FLN, lors d’une réunion du conseil national de la révolution Algérienne (CNRA), une telle odieuse pratique a été formellement interdite.
Après avoir lu les témoignages de Messieurs Abdel Rahmane Farés et Chadli Benjedid, Sâad Dahlab, et les présidents Ben Khedda et Ferhat Abbas, je suis arrivée à cette conclusion, il faut encore lire d’autres témoignages, il faut revoir les versions des uns et des autres, recouper des pans de mémoire, faire en sorte que le récit de chacun soit le prolongement d’un panorama complet de la période de la guerre de libération.
Il y a des vérités sombres, l’épisode du président Bourguiba qui voulait à tout prix un règlement du Sahara avant l’accord final entre les négociateurs Algériens et Français, quitte à mettre le couteau sur la gorge de nos négociateurs !
Mais voilà, cette conception héritée du colonialisme, une unité avec des frontières a nui énormément au sentiment d’union vrai qui a fait la force des peuples Musulmans au temps de l’essor de leur civilisation.
Ce qui fait plaisir est le soin qu’a apporté Mr Malek en étoffant son travail d’une longue liste de document et de témoignages précieux.
L’Algérie à Evian, un livre à lire absolument.
L’Algérie à Evian, Histoire des négociations secrètes 1956-1962
Rédha Malek
Editions Dahlab, 1995.