L’école musulmane algérienne de Ibn Bâdîs dans les années 1930, de l’alphabétisation de tous comme enjeu politique
Par : Charlotte Courreye-
Dans l’Algérie coloniale, la volonté qu’eurent des Algériens musulmans de former les esprits, d’organiser un milieu intellectuel et de se regrouper en toute légalité prit une nouvelle forme quand ils s’approprièrent la loi de 1901 sur les associations (Bozzo, 2011). Ainsi, dans cet élan, le Cercle Salah Bey fut-il fondé à Constantine en 1907. Parmi ses fondateurs se trouvait al-Mûlûd b. al-Mûhûb1 (1863-1935), élève de ʿAbd al-Qâdir al-Majjâwî (1848-1913), précurseur de l’iṣlâḥ en Algérie (Christelow, 1982). C’est aussi en association que les Oulémas Musulmans Algériens se sont rassemblés, à l’échelle nationale en 1931, mais déjà auparavant à l’échelle locale, comme en témoigne l’Association pour l’Éducation et l’Instruction Professionnelle des Enfants Musulmans (jamʿiyya(t) al-tarbiya wa l-taʿlîm al-islâmiyya en arabe) formée en 1930 par Ibn Bâdîs à Constantine.
Le chef de file de l’Association des Oulémas Musulmans Algériens et rédacteur de différents journaux en langue arabe, ʿAbd al-Ḥamîd Ibn Bâdîs (1890-1940), considérait comme préalables d’une prise de conscience par les musulmans algériens de leur identité propre, à la fois la promotion d’un islam attaché aux sources scripturaires et délesté des pratiques « superstitieuses » (l’iṣlâḥ, le réformisme), et la connaissance de la langue arabe en Algérie. Le savoir que diffusait Ibn Bâdîs dans ses écoles (madrasa-s) fut donc politique, par ses conditions d’énonciation. Son expérience d’enseignement depuis les années 1920 avait renforcé ses convictions et imposé son autorité, faisant de Constantine un centre d’impulsion des politiques éducatives de l’Association des Oulémas.
Ali Mérad a présenté ce système d’enseignement dans son étude globale sur le Réformisme musulman en Algérie de 1925 à 1940 (1967 : 337-351), s’intéressant aux retombées psychologiques et sociales de cet enseignement. Nous ne ferons pas ici l’histoire à proprement parler de l’association al-tarbiya wa l-taʿlîm, elle a été l’objet d’un article de Abdelmadjid Merdaci, paru dans la revue Insaniyat, qui redonnait sa place à cette association méconnue et à son histoire au sein de l’essor associatif des années 1930 (Merdaci, 2007). Nous tenterons d’apporter notre contribution pour affiner la connaissance de ce système éducatif et saisir, outre l’apport culturel, la dimension éminemment politique que comporte la formation – tant éducative que performative – de la umma algérienne (communauté religieuse et nationale, nous le verrons) que Ibn Bâdîs appelait de ses vœux. Tout comme nos prédécesseurs cependant, nos observations se fonderont sur l’expérience badisienne, à partir de Constantine.2
Le rôle de guides de la population musulmane d’Algérie que se sont donnés les Oulémas, et la mission d’éducation et de porte parolat dont ils se sentent par conséquent investis, ont été relevés par James McDougall (2006). Pour notre part, nous considérons qu’aux yeux de Ibn Bâdîs, éduquer la umma ne se réduit pas à une action scolaire, mais constitue une œuvre totale d’éducation. Omar Carlier a bien soulevé l’importance des réseaux de sociabilités et notamment des activités sociales, sportives ou artistiques dans le processus de définition d’une identité algérienne en contexte colonial (Carlier, 1995). Quant à la stratégie de l’Association des Oulémas, Mohammed al-Korso a démontré qu’elle ne dissociait pas les aspects culturels et religieux des aspects sociaux ou politiques (Korso, 1989). Son article « Structures islahistes et dynamique culturelle dans le mouvement national algérien, 1931-1954 » (Korso, 1988) met en avant les liens entre « espaces culturels » (dont le cercle et la madrasa) et « luttes idéologiques » (notamment politiques et religieuses) dans l’action des Oulémas. Mais il nous semblait manquer une analyse se nourrissant tant des sources arabes que des archives, de l’œuvre éducative de Ibn Bâdîs. La politisation que ce système total d’éducation a impliquée empêche la réduction du champ politique aux seuls cadres du parti politique et du système électoral. Notre mise en regard de la vision du colonisateur (archives françaises) et de celle d’un groupe de colonisés (journaux al-Shihâb et al-Baṣâʾir, tracts en arabe) permet la mise en valeur d’informations sous-exploitées ou méconnues par l’historiographie. Cela n’autorise pas encore toutefois, et c’est là une limite de notre article, d’atteindre une vision par le bas des adhérents ou des scolarisés.
Par l’étude de l’action de Ibn Bâdîs au sein de l’association al-tarbiya wa l-taʿlîm à Constantine dans les années 1930, nous souhaitons montrer que, contrairement à l’idée que l’on se ferait d’un mouvement élitiste, cette action prouve le souci de toucher tous les publics, toutes les classes sociales. C’est dans le but de fédérer la umma musulmane algérienne par une culture commune qu’est pensé l’enseignement de Ibn Bâdîs, dans un sens large, allant de la madrasa au nâdî (le cercle) et de la troupe théâtrale au club sportif. Il se rapproche en cela de l’activité des partis politiques, comme la Fédération des Élus Musulmans du Département de Constantine par exemple. L’aspect politique de cette conception arrive à son paroxysme en 1938, lorsque le gouvernement français promulgue un décret visant les écoles coraniques en Algérie, décret contre lequel Ibn Bâdîs a organisé la lutte. Cette politisation s’est effectuée à la fois consciemment, compte tenu de l’implication forte des choix de Ibn Bâdîs, et sans être revendiquée comme telle. Le légalisme affirmé dont il fait preuve a ainsi pu provoquer chez lui un réel sentiment d’injustice face à la forte répression de l’administration au cours de l’année 1938.
Nous étudierons donc en premier lieu les publics auxquels s’adresse le mouvement d’éducation des Oulémas, ainsi que les moyens employés pour diffuser une éducation musulmane par mais aussi hors de l’école. Enfin, nous consacrerons la troisième et dernière partie de cet article au décret du 8 mars 1938, renforçant le contrôle des écoles musulmanes algériennes, qui, s’il affaiblit le mouvement éducatif en provoquant la fermeture de madrasa-s de l’Association, a permis à Ibn Bâdîs et à l’Association des Oulémas de renforcer ses soutiens politiques et de réaffirmer son rôle de porte-parole de la umma.
La volonté de donner une culture de base commune à toute la umma musulmane algérienne
Avant toute chose, il convient de préciser ce que recouvre le terme de umma pour Ibn Bâdîs. Le terme est communément traduit par « communauté », mais aussi par « nation » en fonction du contexte. Parmi les définitions données par le dictionnaire Lisân al-‘Arab on trouve la définition suivante : « Tout groupe (qawm) qui s’apparente à un Prophète (nabî) et qui s’y ajoute (uḍîfû ilayhi) constitue sa umma ». Sylvia Haïm, dans un article sur le nationalisme arabe publié en 1955, considère qu’il n’est « pas difficile de surimposer au concept de umma en islam une conception étrangère de nationalité (nationhood), puisque la conception de la umma, en tant que corps différent de toute autre forme de société et supérieur à elle, existait déjà en islam » (Haïm, 1955). Les Oulémas se situent précisément dans ces oscillations entre communauté religieuse et nationalisme.
Une série de mots prend un sens nouveau à l’aune de l’éveil nationaliste en Algérie, dont l’ambiguïté de la traduction en français pose évidemment problème. Parmi ceux qu’utilisent principalement les auteurs des articles d’al-Šihâb et al-Baṣâ’ir, nous distinguerons qawm/qawmiyya (le groupe ethnique / le nationalisme ou la nationalité)3 et waṭan/waṭaniyya : « al-jazâ’ir waṭanunâ », « l’Algérie notre patrie », est le troisième volet du triptyque idéologique formulé par les Oulémas et bien connu (« l’islam est notre religion, l’arabe notre langue et l’Algérie notre patrie »). Issu de la nahda, mouvement de rénovation de la langue arabe et de changements sociaux et politiques, tout ce vocabulaire est aussi celui des nationalistes algériens. L’Étoile Nord-Africaine se dote d’un organe de presse qu’il nomme El Ouma. La notion de shaʿb (peuple) n’apparaît en revanche pas mise en avant par les Oulémas dans les années 1930.
Dans ce cadre, le but de l’association al-tarbiya wa l-taʿlîm est non seulement d’enseigner aux enfants la langue arabe et la religion, mais aussi de leur transmettre des valeurs liées au patrimoine commun. Pour mener à bien ce projet, Ibn Bâdîs s’inscrit dans un mouvement de réforme de l’éducation musulmane qui a débuté en Égypte et en Tunisie, et qui trouve aussi des racines dans le contact avec l’école française, publique comme privée (congrégations catholiques et protestantes). La jam‘iyya(t) al-tarbiya wa l-taʿlîm de Ibn Bâdîs à Constantine dispense des enseignements relevant à la fois des manqûlât (le savoir se référant à une longue chaîne de transmetteurs, attestée par les savants religieux – enseignement du Coran, du hadith, du fiqh et de la grammaire de la langue arabe) – et des maʿqûlât (sciences rationnelles, ou « conclusions de la raison » (Gardet et Nawati, 1981) – le calcul, la poésie, l’histoire et la géographie ou encore l’expression orale en arabe littéral avec des cours de conversation). La situation coloniale implique également l’enseignement du français, dans quelques écoles au départ, par la suite partout où cela était possible, à la fois par contrainte administrative et par choix4. Ibn Bâdîs encourage en effet la double culture, les enfants des membres de l’Association eux-mêmes suivant majoritairement l’école musulmane et l’école française5.
La recherche d’un nouveau modèle d’enseignement correspond à la fois à la vision de l’islam qu’avaient les Oulémas, attachés au retour aux sources scripturaires, à une ouverture aux sciences non exclusivement religieuses, et à la volonté de toucher un public divers pour former et éduquer les Algériens musulmans. La cible première de l’enseignement des Oulémas est ainsi la jeunesse6. Mais leur ambition pédagogique est encore plus large. Elle s’étend à un public adulte, afin de promouvoir un enseignement pour tous les musulmans algériens.
Le public majoritaire : la jeunesse
Dans la conception des Oulémas algériens, l’enseignement s’adresse aux enfants (garçons et filles) de toutes les composantes de la société. Mais de manière intéressante, les sources ne mentionnent pas de limites d’âge7. Tous les enfants peuvent être accueillis au sein de la madrasa, la différentiation entre élèves qui poursuivent leurs études et élèves qui arrêtent là leur formation s’effectue après ce premier cycle. Certains approfondiront leurs connaissances par des études complémentaires (à Constantine) en vue d’une entrée dans le supérieur, à la Zaytûna de Tunis souvent, ou dans une des médersas franco-arabes officielles8. D’autres suivront un enseignement professionnel : ainsi, dans l’entretien qu’il m’a accordé en janvier 2012, le fils de Bashîr al-Ibrâhîmî, Ahmed Taleb al-Ibrahimi, a souligné l’action de son père, et donc de l’Association avec lui, pour la formation professionnelle. Dans le cadre de sa mission d’enseignement à Tlemcen, al-Ibrâhîmî aurait demandé à un dinandier de former des jeunes et permis ainsi l’insertion professionnelle de ces derniers.
Un public adulte pour des cours d’alphabétisation ou d’initiation aux sciences religieuses
Les Oulémas ne ciblent pas uniquement le jeune public dans leur dynamique d’éducation. L’objectif ambitieux de l’Association des Oulémas entraîne une considérable diversité de l’offre de formation et donc des élèves de l’Association. Un tract en arabe rédigé par l’association al-tarbiya wa l-taʿlîm de Ibn Bâdîs propose ainsi un « cours du soir destiné aux membres de l’Association analphabètes pour apprendre la lecture et l’écriture » et des « conférences religieuses éducatives données par le Président de l’Association le dimanche matin à 10h et le jeudi soir à 21h30, pour les membres de l’Association spécialement (réservé aux membres de l’Association). »9
Les cours destinés aux adultes analphabètes, membres de l’Association, apparaissent aussi dans un article publié dans al-Shihâb. Celui-ci évoque une classe réservée aux travailleurs (ʿummâl), « pour l’éducation morale et l’enseignement religieux »10. Un article de juin 1937 fait état de 111 élèves adultes (makhūl) à l’école al-tarbiya wa al-taʿlîm11. La lecture et l’écriture en arabe y sont enseignées deux fois par semaine, de même que les principes religieux. De plus, comme cela est précisé dans le tract, le dimanche, Ibn Bâdîs donne une conférence ouverte à tous (ʿâmma(t) al-nâs), sur la vie du Prophète et ce qu’on peut en retirer pour l’éducation et la morale.
Un enseignement est réservé aux femmes le jeudi soir après la prière à la mosquée Sîdî al-Aḫḍâr. L’accès y est alors interdit aux hommes, hormis ceux qui accompagnent leur épouse ou leur parente, qui sont invités à attendre dans un espace séparé. Elles assistent ainsi à des conférences du cheikh sur des sujets de morale ou d’éducation religieuse12. Un programme spécifique est destiné aux femmes : il oriente leurs connaissances vers des modèles pieux afin de combattre les formes de religiosité proche des confréries (culte des saints, coutumes …) ; il les prépare à la tenue d’un foyer (tâches ménagères, travaux de couture). Ainsi, le tissage et la broderie constituent l’essentiel de l’enseignement pratique pour les jeunes filles13. Ce programme garantit néanmoins à toutes un accès à la lecture et à l’écriture en langue arabe.
Des initiatives similaires en métropole
On retrouve cet effort d’enseignement pour adultes dans l’action de l’Association desOulémas en métropole. Le Cercle de l’Éducation (nâdî al-tahdhîb14) fondé en 1936, sous ses différentes sections en région parisienne, permet aux travailleurs immigrés algériens d’apprendre la langue arabe (al-ʿarabiyya(t) al-fuṣḥâ) et de se former en sciences religieuses. Il a pour mission d’alphabétiser les immigrés algériens en France et de lutter contre les risques d’abandon des pratiques religieuses que le contact avec la culture française pourrait entrainer. Au Cercle de l’Éducation, l’enseignement de l’islam et de la langue arabe, la diffusion de la connaissance de l’histoire algérienne et la propagation des idées morales de l’iṣlâḥ vont de pair avec l’enseignement du français et du calcul.
Compte tenu de la forte affiliation à l’Étoile Nord-Africaine des Algériens musulmans en région parisienne et du succès du Cercle de l’Éducation, les Oulémas partagent l’organisation des cercles métropolitains avec des membres de l’ENA/PPA à partir de janvier 1937 15. L’affiliation aux partis et organisations est certainement réductrice en la matière, on sait les écarts idéologiques et les divisions internes qui peuvent être présents au sein d’une même organisation et la part de relations interpersonnelles qu’engagent des collaborations comme celles-ci. Cependant, cela permet de donner des repères quant aux engagements des personnes, à un moment donné. En conséquence, la dimension politique des cercles en France est beaucoup plus affirmée et assumée qu’en Algérie. Si son but premier est l’enseignement, le Cercle de l’Éducation est aussi un terreau de la constitution de l’identité nationale algérienne, qui se forme dans la confrontation et l’interaction des idées légalistes et arabistes des Oulémas et des idées nationalistes du Parti du Peuple Algérien.
L’entente ne dure cependant pas. L’alliance parallèle des Oulémas avec l’Association Franco-Musulmane proche des Communistes, qui lutte avec eux pour l’application de leurs droits et la suppression du régime de l’indigénat, constitue déjà un paradoxe en soi. Ils sont sur des lignes politiques assimilationnistes, quand l’ENA/PPA appelle à la rupture et à l’indépendance. Dans cette logique de modération et de « légalisme », les ‘Ulamâ’participent au cortège parisien du 14 juillet 1937, que le PPA avait appelé à boycotter. Le PPA de son côté avait tenté de dissuader les Algériens de participer à ce cortège parisien. En revanche, ils défilent sous la bannière du futur drapeau algérien à Alger, nouveau siège du parti depuis juin 1937, pour illustrer leurs revendications d’indépendance.
La madrasa iṣlâḥiyya algérienne s’adresse donc à un public varié, masculin et féminin, jeune et moins jeune, engagé politiquement ou non. Ce public représente l’idéal du rassemblement de la umma algérienne musulmane que Ibn Bâdîs défend au sein de l’Association des Oulémas. Leur idéologie de la umma comme un « seul corps uni » est décrit par Lahouari Addi (1990 : 15) comme une « idéologie populiste » en ce qu’elle gomme les différences et lisse la réalité pour la faire correspondre à cette nation, cette « communauté imaginaire » qu’ils veulent recréer, pour reprendre les termes de Benedict Anderson (1991). Cette volonté de s’adresser à de multiples classes sociales et à divers âges implique un raisonnement et des pratiques économiques de l’éducation, que nous allons maintenant analyser.
Permettre à tous d’étudier, sans conditions de ressources
Le tract cité plus haut, qui présente l’offre des cours dispensés par l’association al-tarbiya wa l-taʿlîm, en donne également les conditions d’accès et les tarifs.
« Chaque membre doit verser deux francs chaque mois. Les cours pour garçons et filles sont gratuits pour les plus pauvres, les cours pour analphabètes de même, la conférence religieuse est gratuite pour tous. »16
La dimension sociale d’ouverture de l’accès aux cours aux plus démunis ne fut pas relevée par Ali Mérad lorsqu’en 1967, il estimait dans Le Réformisme musulman en Algérie que l’Association accordait peu d’importance aux inégalités sociales :
« La propagande réformiste sur le thème de la solidarité ne dépasse guère les recommandations pieuses (…) D’autre part, comme il n’était pas dans leur rôle de lutter pour l’amélioration du niveau de vie des masses laborieuses, les réformistes ne se croyaient pas non plus autorisés à faire le procès du capitalisme musulman, ni à déclencher une sorte de croisade contre la misère. » (Mérad, 1967 : 304)
Or la solidarité apparaît dans le tract de l’association al-tarbiya wa al-taʿlîm, de façon tout à fait concrète. L’avantage stratégique pour l’idéologie des Oulémas est évidemment à prendre en compte. La concurrence entre écoles des partisans de l’AOMA et partisans des confréries est très forte dans les années 1930. L’existence à Constantine de la madrasa El-Kattâniyya (de Sîdî al-Kattânî, souvent orthographiée Kettania, rattachée à la Raḥmâniyya) qui jouit d’une bonne réputation, a certainement joué dans le volontarisme de Ibn Bâdîs. Une certaine surenchère entre établissements peut être supposée, étant donné la lutte dans les années 1940 entre l’Institut Ibn Bâdîs, fondé en 1947, et la Kattâniyya, rénovée la même année pour former le noyau central de l’enseignement supérieur confrérique (Korso, 1988 : 79). Stratégique ou philanthropique, cette mesure témoigne néanmoins d’une effective politique sociale d’éducation à Constantine.
Il faut mettre aussi ce constat en regard du cliché historiographique communément repris d’un mouvement « bourgeois », soutenu par les grandes familles musulmanes. Il est évident que les donateurs doivent avoir un minimum de revenus. Ali Mérad souligne ainsi que les finances du mouvement « dépendaient bien plus des libéralités des riches familles musulmanes d’Algérie que des maigres cotisations du menu peuple » (Mérad, 1967 : 304). La famille de Ibn Bâdîs était effectivement une de ces grandes familles de la « bourgeoisie indigène »17. Il est nécessaire de nuancer cet aspect. Les relations étaient souvent conflictuelles entre le cheikh et son entourage familial en raison de son activisme culturel et politique18. D’autre part, comme le rappelle Ali Mérad, « les élèves des médersas libres se recrutaient pour la plupart dans les milieux populaires » (Mérad, 1967 : 304, 346). Les analphabètes pouvaient être membres de l’association et y apprendre par la suite à lire et écrire, comme le montre le tract évoqué plus haut. Le bureau de l’association al-tarbiya wa al-taʿlîm, dont le renouvellement est évoqué dans Al-Shihâb en 1935, est d’ailleurs composé de fonctionnaires et de commerçants mais aussi d’ouvriers19.
De surcroît, les dons pour les associations de bienfaisance, l’Association mère et les écoles sont recueillis soit à l’occasion de quêtes, lors des fêtes et événements organisés par l’Association des Oulémas, soit auprès des commerçants ou tenants d’établissements publics (« cafés, bains maures, boutiques ») affiliés aux Oulémas (membres ou sympathisants)20. Julien Fromage observe le même processus pour le financement des actions de la Fédération des Élus Musulmans de Constantine, qui fonctionne par ailleurs à de nombreuses périodes en binôme avec l’AOMA, notamment pour l’organisation des cercles (Fromage, 2012 : 466-468 et 234).
Compte tenu de tous ces indices, nous souscrivons à la conception de Mohammed El-Korso :« Sans vouloir nier cet aspect marquant [l’appartenance à la grande bourgeoisie de certains cadres] dans la vie culturelle et organique de l’AUMA, il est d’autres catégories socio-professionnelles qu’il faudrait prendre en considération sous peine de fausser l’histoire et de la mettre au service d’une idéologie, surtout quand il s’agit de micro-histoire, comme celle des islahistes de base que leurs activités commerciales, artisanales ou autres aidaient à peine à survivre. » (Korso, 1989 : tome 2, p. 417).
S’il est difficile de définir les termes justes pour décrire la société algérienne de l’époque, cette question des classes sociales est fondamentale. La définition de la umma musulmane algérienne, à laquelle fait constamment référence Ibn Bâdîs dans ses articles, en dépend. Elle ne peut exister que si les différentes composantes musulmanes de la société algérienne de l’époque s’y retrouvent et affirment leur appartenance à celle-ci. Sans développer consciemment une analyse de classe, Ibn Bâdîs souhaita recruter les élèves le plus largement possible – au point de mettre en place des conditions financières spéciales pour les plus démunis – afin que le manque de moyens n’empêche pas l’accès à la connaissance.
Cela n’a évidemment pas suffi à rallier tous les Algériens musulmans à leur idéologie. LesOulémas ne s’en sont pas moins posés comme guides de la umma – « Nous nous plaignons pour la umma contre l’injustice et l’oppression croissantes envers elle, au profit de la umma, pour son bien. »21 – et c’est en tant que tel qu’ils agissent pour le mouvement scolaire musulman en Algérie.
Fédérer l’action éducative des musulmans, dans et hors l’école
Les écoles musulmanes algériennes, diverses selon les territoires, les orientations doctrinales et les niveaux de formation des personnels enseignants, ne constituent pas un système d’éducation à proprement parler. Se posant en leader de la umma, Ibn Bâdîs appelle de ses vœux l’unification du mouvement d’éducation autour de son organisation. Appel aux professeurs d’arabe, proposition de programmes et de manuels scolaires, mais aussi développement d’activités extrascolaires et hors de l’école de l’Association sont autant de moyens pour arriver à ses fins.
Le rêve d’un système d’enseignement musulman unifié en Algérie, sous la direction des Oulémas
L’absence de réel programme commun entre les écoles musulmanes en général, et entre les écoles des Oulémas en particulier, préoccupe l’Association dans les années 1930. Ce manque d’unité est regretté dans l’article paru dans al-Shihâb en 1937 sous le titre « L’enseignement chez nous, et son besoin d’unification et d’organisation », envoyé par un jeune adhérent de la ville de Laghouat : « Comment la umma peut-elle espérer du bien et de la réussite si son enseignement communautaire (qawmî)22 a des méthodes différentes et est régi par le chaos et le trouble ? Les différences de méthodes d’enseignement dans une même umma sont une preuve de sa faiblesse et de son recul. C’est un des plus grands péchés et il met en danger " l’unité des sentiments " (waḥda(t) al-shu‘ūr) qui doit gouverner les pays »23.
Leur objectif est d’instaurer un système scolaire musulman, à partir du cycle primaire jusqu’au supérieur avec une université islamique algérienne, que Ibn Bâdîs voudrait créer à l’image de la Zaytūna de Tunis, où il envoie ses meilleurs étudiants.
Pour parvenir à cette fin, l’adhérent de Laghouat préconise la création d’une commission (lajna) de l’enseignement réunissant les Oulémas concernés par l’enseignement. Cette commission aurait pour but d’unifier l’enseignement sur le territoire algérien, d’accorder des prix aux bons élèves et d’envoyer des membres de l’Association des Oulémas Musulmans Algériens en Égypte ou en Syrie, afin de favoriser les échanges intellectuels. De manière plus générale, les Oulémas ont lancé en juillet 1937 par la voie de leur organe de presse un appel aux professeurs de l’enseignement libre musulman :« Aux présidents des médersas coraniques et des mosquées indépendantes.
La Société des Ulémas Musulmans Algériens invite tous les présidents des sociétés d’enseignement et toutes les organisations destinées à propager l’Islam et la langue arabe qui ont besoin de professeurs, à s’adresser au Président de la Société des Ulémas, au siège social à Alger. Sur leur demande écrite, il leur enverra des professeurs de qualité. […] En faveur de cet enseignement il sera tenu à Alger et immédiatement après l’assemblée générale des Ulémas, un Congrès des professeurs de langue arabe. »24
Il y a un aspect assez performatif dans cette démarche, jusque dans l’utilisation du vocabulaire : il n’est pas précisé que ce Congrès des professeurs de langue arabe dépend du mouvement de l’iṣlâḥ, comme si cela allait de soi. Annoncer ce rassemblement, c’est déjà s’affirmer en position de force pour sa constitution.
Créer des manuels de langue arabe et d’histoire proprement algériens, un projet inachevé
L’Association des Oulémas réfléchit à cette même période à l’abandon des manuels égyptiens et à l’unification des méthodes dans les écoles algériennes. En ce sens, en 1937, il est fait mention d’un projet envoyé par la direction de l’Association aux directeurs des écoles, sur les méthodes et les manuels25. Il s’agit de s’approprier la langue arabe et l’histoire de l’Algérie, sans passer par le truchement de l’Orient. S’affranchir des manuels venant d’Égypte, qui valorisent une « âme nationale égyptienne (hâdhihi al-rûḥ al-qawmiyya al-miṣriyya) » et qui du coup ne conviendraient pas « à l’Afrique du Nord qui a ses hommes, son histoire, sa géographie propres… », apparaît comme une priorité, à l’heure où « les élèves en savent plus sur l’Égypte que sur leur propre pays ! »26. L’idée initiale est de changer les noms dans les manuels (remplacer les noms égyptiens par des noms algériens) tout en conservant l’esprit du renouveau égyptien. Dans la même logique, une note des renseignements français fait état de la préparation par al-Madanî (auteur de l’Histoire de l’Algérie, 1932 et membre de la direction de l’AOMA) de manuels scolaires pour l’enseignement libre en 1938 27. Cependant l’année 1938 fut celle d’un renforcement du contrôle administratif sur les écoles et d’une méfiance accrue des autorités envers l’Association. Ce projet ambitieux ne put donc voir le jour et les professeurs se contentèrent des ouvrages déjà existants pour enseigner. Mais le cadre scolaire n’est pas le seul levier à disposition des Oulémas. D’autres « repères d’identification collective » (Zekkour, 2011 : 30) par les activités extrascolaires sont utilisés pour provoquer la prise de conscience dans la population musulmane algérienne de sa spécificité et de sa personnalité arabo-musulmane.
Les activités extrascolaires comme prolongement de l’action de l’école
Afin de saisir cet investissement de l’extrascolaire par l’association, il est nécessaire d’avoir à l’esprit la distinction très tôt établie entre éducation (tarbiya) et enseignement (taʿlīm) dans un article repris du journal égyptien al-Manâr et publié par al-Shihâb en 1935 :
« Tarbiya : formation (tanshiʾa) des forces du corps, de l’esprit et de l’âme humaine par la bonne éducation qui leur est donnée, qui se développe et s’épanouit, jusqu’à atteindre un achèvement personnel dans le cadre de la religion (fî muḥîṭ al-milla) et de la communauté (umma). Parmi les actions de l’éducation, il y a ce qui est utile à tout individu. Car rien ne fait autant l’unanimité parmi les différents groupes, avec leurs éléments confessionnels et leurs traits caractéristiques nationaux, que l’éducation (tarbiya) des corps fondée sur les règles de la santé dans l’alimentation, la propreté, le sport. » (…) « Taʿlîm : enseignement de la science qui aide l’éducation à rendre un homme accompli. Comme l’éducation, il y a dedans des choses qu’il faut que tous les gens, de tous temps et en tous lieux, aient et d’autres qui diffèrent selon les temps et les lieux, des groupes humains (aqwâm) et des nations (awṭân). Le principal, c’est que la nouvelle génération y apprenne ce qui la guide vers l’action appropriée dans sa vie personnelle, domestique, nationale (waṭaniyya), etc. »28
On le comprend, l’un ne va pas sans l’autre, l’éducation et l’enseignement sont conçus comme des actions complémentaires. Ce n’est pas seulement l’école qui peut y pourvoir, mais bien toute l’action éducative au sens large, extrascolaire. L’effervescence du milieu intellectuel musulman dans les années 1930 s’est traduite par la création d’associations, qui permettent le rassemblement et l’échange (Carlier, 1995). Les innombrables nouvelles associations ne sont pas forcément rattachées à l’Association des Oulémas, mais ont pour la plupart un lien plus ou moins fort avec elle. Malika Rahal (2007) parle de « filialisation » à propos du même phénomène dans l’UDMA.
Ces associations sont, en premier lieu, formées autour des activités sportives. L’entretien du corps et de la santé est encouragé par l’Association des Oulémas. Ainsi à Constantine, Ibn Bâdîs soutient la création de plusieurs clubs de sport, dans le sillage des clubs pionniers comme l’Étoile Club Musulman Constantinois (ECMC) fondé en 1916 dans une optique d’« émancipation par l’affirmation de soi » (Boulebier, 2007). Brâhîm ʿAmmûshî (1903-1990), jeune membre de l’Association des Oulémas dans les années 1930, raconte dans ses Mémoires d’un éducateur de la jeunesse, qu’il a participé à la fondation des deux grands clubs de football de Constantine, le CSC et le MOC (Amouchi, 1991 : 10-13). Le « Club Sportif Constantinois » (CSC) est créé en 1926 sous le patronage de différents personnages constantinois, dont l’un des membres du bureau de l’ECMC cité plus haut. Julien Fromage identifie la Fédération des Élus du Département de Constantine comme l’un des soutiens importants du club (Fromage, 2012 : 201). L’autre club sportif évoqué est le MOC, « Mouloudia Olympique Constantine », fondé en 1939. Ce club est tellement lié aux Oulémas que ses joueurs sont surnommés « awlâd Ibn Bâdîs » (les enfants de Ibn Bâdîs) et que par la suite, les affiches de promotion du club par ses anciens joueurs ou ses supporters auront pour figure centrale le cheikh (voir ci après la photographie prise dans le café « Nejma » à Constantine d’une affiche, et celle des supporters actuels diffusée sur Internet).
Des initiatives similaires pour la diffusion et la pratique de la poésie, de la musique ou du théâtre sont encouragées par l’Association. Dans toutes les fêtes, des groupes ou cercles rattachés à l’Association des Oulémas se produisent. Le phénomène a été étudié par Omar Carlier dans son article (2009) consacré à l’émergence d’une société civile « musulmane » à Alger dans l’entre-deux-guerres, par Abdelmadjid Merdaci (2007) pour al-tarbiya wa l-taʿlîm et de façon très détaillée pour la Fédération des Élus par Julien Fromage (2012). Ces activités sont autant de moyens de diffuser et de renforcer l’idée de umma algérienne musulmane, par la prise d’initiative et l’autonomisation des musulmans en Algérie. Dans la même logique, l’Association des Oulémas a porté beaucoup d’attention à la formation de groupes scouts. Un espoir était placé dans cette jeunesse fédérée : qu’ils fussent beaucoup plus conscients que les générations précédentes de leur appartenance à une même identité. La formation scout, paramilitaire et comprenant le chant d’hymnes glorifiant l’islam et la patrie composés par les maîtres de l’Association des Oulémas, même lorsque la troupe n’y est pas rattachée, prépare les esprits des jeunes et leur donne une éducation arabo-musulmane très prononcée. Cet encouragement donné à des activités qui diffusent les idées d’arabisme et de panislamisme parmi la jeunesse d’Algérie ne manque pas d’attirer l’attention des autorités françaises. L’année 1938 voit se multiplier les mesures restrictives envers les activités de l’Association, les perquisitions de ses locaux et le renforcement du contrôle étatique sur les organisations d’éducation en général.
L’attaque de l’Administration contre l’école musulmane : le décret du 8 mars 1938
Devant la politisation de plus en plus forte de l’Association, les autorités françaises redoublent de vigilance, et opèrent des actions répressives ciblées. Celle qui a provoqué la réaction la plus grande et la plus significative de la part des Oulémas parce qu’elle touche à leur œuvre majeure est la promulgation le 8 mars 1938 d’un décret renforçant le contrôle des écoles musulmanes privées. Publié au Journal officiel du 15 mars 1938, le « décret Chautemps » concerne l’inspection des écoles privées musulmanes. La loi prévoit l’octroi d’autorisations officielles pour ouvrir une école ou enseigner en son sein. Tous les professeurs qui ne l’avaient pas fait ont dû demander ou renouveler une demande d’autorisation, en présentant l’équivalent de diplômes29. Des fiches sont créées par les autorités, recensant toutes les activités politiques et associatives passées et présentes des candidats, leurs fréquentations, leur conduite (bonnes vie et mœurs, loyauté à la France, et affiliations politiques et religieuses).
L’aspect soudain de cette mesure provoque l’incompréhension et les protestations des Oulémas. À partir de la fin mars 1938, des articles sur le décret sont publiés presque chaque mois : sans viser à l’exhaustivité, une vingtaine d’articles ont paru sur ce sujet principalement dans al-Baṣâʾir, mais aussi dans al-Shihâb entre avril 1938 et août 1939. Ils sont rédigés presque exclusivement par Ibn Bâdîs. Ce dernier bénéficie d’une tolérance particulière des autorités à Constantine, qui ne remettent jamais en cause son autorisation d’enseigner et son cours à la mosquée Sîdî al-Aḫḍâr30.
La réaction des Oulémas et son agitation dans la presse
Dans les articles publiés au nom des Oulémas, la mesure est dénoncée comme une attaque envers l’islam. Articles de une ou simples encarts, leur ton est très vindicatif, teinté de colère et de sentiment d’injustice. On peut lire par exemple en avril 1938 dans al-Baṣâʾirque l’Administration française « sanctionne sévèrement l’enseignement [musulman], pour démolir cette personnalité islamique à la racine, l’éliminer intégralement »31 ou encore, en août de l’année suivante : « Le but [de ce décret] (…) est l’arrêt en chemin de l’islam et de sa langue »32.
La rhétorique idéologique mise en place dans ces articles est caractéristique de la presse arabe des années 1930 (et plus largement de la presse de l’époque), qui se saisit d’un fait précis, incident ou publication, pour le monter en épingle et lui donner une valeur d’exemple pour tous les musulmans. On pense à Chekib Arslan notamment, avec qui Ibn Bâdîs est en contact, et son journal La Nation Arabe, publié en français mais d’idéologie nationaliste arabe et réformiste musulmane, qui dans les années 1930 utilise régulièrement le fameux « dahir berbère » comme une arme idéologique (De Gayffier-Bonneville, 2002).
Les renseignements français sont très attentifs aux réactions à ce décret parmi la population musulmane et surtout au sein de l’Association des Oulémas. Face aux réactions rapidement hostiles au décret, le gouvernement justifie sa mesure au moyen de communiqués, en présentant le décret comme une simple application de la loi, qui était jusque là appliquée en métropole mais pas en Algérie. Mais l’article de Ibn Bâdîs, « L’égalisation boiteuse », paru le 3 août 1939 dans al-Baṣâʾir, conteste cet argument qui faisait du décret un simple rééquilibrage :
« La propagande gouvernementale répand par la radio et par la presse l’idée que le but du décret (qirâr) du 8 mars 1938 est la mise à niveau (taswiya) entre l’Algérie et la France d’une loi qui était appliquée en France depuis longtemps et pas en Algérie, et l’effacement d’une différence entre la loi du 18 octobre 1882 qui a éclairci le texte concernant les sanctions et la loi du 30 octobre 1886 qui ne l’a pas spécifié. L’égalisation (al-musâwâ) ! C’est un beau mot, à la signification considérable, qui est une grande source de droit (al-ḥaqq). Mais en ce qui nous concerne, c’est un oiseau fabuleux (ʿanqâʾ mughrib) dont on entend beaucoup parler mais qu’on ne voit jamais »33
Ibn Bâdîs termine son argumentaire ainsi : « Nous combattrons ce décret par tous les moyens légaux. »34
Les Oulémas refusent d’être traités comme des délinquants (ils encourent des amendes, voire des peines d’emprisonnement en cas de récidive), alors que leurs écoles bien souvent tentent de pallier les manquements de l’enseignement public national. Rappelons qu’en 1937, moins de 10% des enfants musulmans en âge d’être scolarisés le sont (Bouche et Pluchon, 1991 : 244-260). Ce que contestent les Oulémas, en effet, n’est pas l’autorité des lois françaises – ils s’y soumettent et demandent des autorisations – mais les pratiques de l’Administration qui refuse finalement toute autorisation. Ainsi Ibn Bâdîs déplore-t-il dans un sous-titre d’article « Toute personne enseignant sans autorisation est passible d’amende, puis d’amende et de prison en cas de récidive – ceci est le décret du 8 mars 1938. Toute personne qui dépose une demande d’autorisation ne recevra aucune réponse – ceci est la pratique maintes fois répétée de l’Administration »35.
L’organisation de la lutte pour la défense de l’enseignement musulman algérien comme préfiguration du combat national ?
Face à l’ampleur des mesures pour les écoles, les Oulémas comptent sur l’appui des autres organisations musulmanes algériennes. Dans une lettre ouverte que Ibn Bâdîs adresse par exemple à la Fédération des Élus de Constantine par le biais d’al-Baṣâʾir le 22 avril 1938, il les presse de prendre position : « L’association des Ulémas […] vous invite à prendre votre responsabilité et à collaborer avec elle pour combattre cette mesure arbitraire par tous les moyens légaux. Elle déclare nettement que la sauvegarde de la religion et de la langue est une de vos obligations essentielles et que leur défense n’incombe pas uniquement à l’association, mais à toute la communauté. »36
Les Oulémas n’entendent pas s’en tenir à une simple agitation médiatique, mais bien créer les conditions d’une véritable lutte politique, pied-à-pied avec l’administration. De fait, en novembre 1938, l’abrogation du décret du 8 mars figure dans le programme de l’Union du Peuple Algérien, fondée par Ferhat Abbas la même année (Fromage, 2012 : 340).
En phase de politisation forte depuis 1936 et le premier Congrès Musulman Algérien, l’année 1938 marque un nouveau dynamisme dans la prise de contacts avec les autres organisations musulmanes présentes en Algérie. Les renseignements français font ainsi état d’un « Rassemblement musulman » qui serait en train de se créer de façon « occulte » entre l’Association des Oulémas Musulmans, les partisans de Bendjelloul, les Jeunesses du Congrès Musulman Algérien et le Parti du Peuple Algérien37. Si les prises de contact se multiplient, les relations entre organisations liées par cette unique cause de la langue arabe et de l’islam semblent être difficiles. Les Oulémas n’ont pas réussi à arrêter la marche des politiques répressives du gouvernement français, comme en témoignent les nombreux articles publiés au cours de l’année 1939 au sujet du décret et de son application dans al-Baṣâʾir et al-Shihâb, jusqu’à la suspension des revues lors de la Seconde Guerre mondiale.
Conclusion
L’œuvre scolaire de Ibn Bâdîs, et de l’Association des Oulémas, visait à faire prendre conscience aux musulmans algériens de l’unité de la umma. Ibn Bâdîs travailla à la mise en place de cet objectif ambitieux et éminemment politique, en instaurant des mesures sociales, pour l’accès à l’école musulmane privée des plus démunis, en accord avec sa conception de la umma. S’il n’a pu mener à bien ce projet de formation religieuse et culturelle des musulmans algériens, notamment en raison du coup que le décret de 1938 a porté aux écoles de l’Association et du déclenchement de la guerre en 1939, il a posé tout à la fois les bases d’un enseignement, développé par la suite dans le cadre de l’Association des Oulémas Musulmans Algériens et d’un rassemblement des diverses organisations musulmanes algériennes autour d’un élément fédérateur pour toutes : à savoir, la défense de la langue arabe et de l’islam en Algérie. En œuvrant pour des regroupements intellectuels mais aussi institutionnels de la population musulmane (projet d’unification de l’enseignement, activités sportives et culturelles soutenues à la fois par les Oulémas et des organisations politiques notamment), Ibn Bâdîs s’est placé à la croisée de plusieurs champs, religieux, politique, social et culturel. Après un ralentissement dû à la Seconde Guerre mondiale et au décès de Ibn Bâdîs en avril 1940, l’activité éducative de l’Association des Oulémas a été relancée sous l’impulsion de son nouveau président, Bashîr al-Ibrâhîmî, avec notamment la création en 1947 de l’Institut Ibn Bâdîs à Constantine. Le nombre d’écoles passe de 90 en 1947 à 181 en 1954. Jacques Carret précise toutefois que seules 58 correspondent au modèle que nous avons décrit pour Constantine, les autres étant qualifiées de simples « écoles coraniques réformées »38 (Carret, 1959 : 16). Les années 1940-1950, qui voient le fort développement du nationalisme en Algérie, sont parallèlement une période d’expansion de l’enseignement des Oulémas, qui sera interrompue par le déclenchement de la guerre d’indépendance et le ralliement au FLN. Peu d’écoles restent en activité après 1957.
L’importance de cette œuvre d’éducation et son enjeu politique prennent un relief particulier à la lumière de la construction du nouvel État indépendant. Le développement des politiques d’éducation nationale et d’« enseignement originel » (privé musulman) jusqu’à la fusion des deux enseignements dans l’Éducation Nationale en 1976, a été fortement imprégné de la conception éducative des Oulémas. L’héritage de leur action en faveur de l’islam et de l’arabe a été revendiqué par les gouvernements indépendants, quand il n’était pas directement appliqué par d’anciens membres de l’Association, placés à des postes clés au ministère de l’Éducation et au ministère des Affaires Religieuses.
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Notes
1 Les noms propres ont été translittérés, sauf dans le cas d’un usage courant de leur forme francisée.
2 En espérant que des études ultérieures se focaliseront sur d’autres villes ou régions et d’autres acteurs de ce mouvement.
3 Un article célèbre de Ibn Bâdîs développe ce point, sur lequel nous ne nous étendrons pas dans le présent article : Al-Šihâb, « al-jinsiyya al-qawmiyya wa al-jinsiyya al-siyâsiyya » (La nationalité identitaire et la nationalité politique), février 1937 (année 12), n° 12, signé Ben Bâdîs, p. 504-506.
4 Plusieurs articles de Ibn Bâdîs exhortent à l’apprentissage du français, à la fois par esprit de tolérance et par stratégie politique :
Al-Shihâb: « L’enseignement des deux langues est pour nous une nécessité », 16 août 1926, n° 47, Ibn Bâdîs (reproduit p. 39 de Aṭâr Ibn Bâdîs, livre 4) et « L’apprentissage des langues dont on a besoin », année 11 (1935), n° 2, anonyme (Ibn Bâdîs ?), p. 77-78.
Al-Baṣâʾir : « Le mouvement de l’enseignement cette année à la mosquée Sîdî al-Aḫḍâr et à l’école al-tarbiya wa al-taʿlîm », 25 juin 1937, n° 72, signé ʿAbd al-Majîd Hayrâsh al-Jazâʾirî, p. 1-3. Dans cet article, il est fait mention du français parmi les matières enseignées.
5 En témoignent les mémoires de Ahmed Taleb Ibrahimi, fils de al-Ibrâhîmî, qui retranscrit les réticences de son père envers l’école française et l’argumentation de Ibn Bâdîs pour qu’il y inscrive tout de même ses enfants, « soutenant que la langue française sera utile dans notre combat et citant l’exemple de Muḥammad al-Amîn al- ʿAmmûdî, virtuose dans les deux langues et si précieux pour l’Association » (Taleb Ibrahimi, 2009 : 29-30). James McDougall souligne que ce fut aussi le cas des enfants d’al-Madanî (McDougall, 2006 : 232).
6 Les termes shâbb (jeune), shabâb (jeunesse), fatâ (jeune garçon), fatâ(t) (jeune fille), reviennent très souvent dans les articles d’al- Shihâb et al-Baṣâʾir. C’est visible également dans le soutien apporté par Ibn Bâdîs à Muḥammad al-Amîn al- ʿAmmûdî, fondateur des Jeunesses du Congrès Musulman Algérien (association de jeunes soutenant le programme de revendications défini par le Congrès Musulman Algérien) en 1937, qui fut aussi secrétaire général de l’Association dès 1931, et rédacteur en chef de La Défense, organe de presse francophone de l’Association des Oulémas, de 1934 à 1939.
7 Avner Giladi (1995) fait débuter l’enfance à l’âge de sept ans environ, défini dans la tradition comme celui du discernement (tamyîz) et se termine autour de quinze ans, lorsque sont considérées atteintes les maturités physiques et mentales.
8 Créées en 1850, les trois médersas d’Alger, Constantine et Tlemcen dispensaient un enseignement supérieur en français et en arabe pour former les futurs fonctionnaires de la justice et du culte musulman.
9 Archives Nationales d’Outre-Mer (Aix-en-Provence), Gouvernement Général d’Algérie : FR ANOM ALG GGA 3CAB79. Tract en arabe. Non daté (1934 ?)
10 Al-Shihâb, « Association musulmane d’éducation et d’enseignement, à Constantine », année 10 (1934-35), n° 12, pas de signature, p. 513.
11 Al-Baṣâʾir , « Le mouvement de l’enseignement cette année à la mosquée Sîdî al-Aḫḍâret à l’école al-tarbiya wa al-taʿlîm », 25 juin 1937, n° 72, signé ʿAbd al-Majîd Hayrâsh al-Jazâʾirî, p. 1-3.
12 FR ANOM ALG GGA 3CAB39. Préfecture de Constantine à CIE, Constantine, 5 juillet 1939.
13 FR ANOM ALG GGA 3CAB39. Préfecture de Constantine à GGA, le 29 juin 1939.
14 Notons que le terme tahdhîb réfère à la fois à l’éducation, à la courtoisie et à la réforme des mœurs.
15 Année de la dissolution du parti de Messali Hadj par les autorités françaises et de sa renaissance sous le nom de Parti du Peuple Algérien.
16 FR ANOM ALG GGA 3CAB79. Tract en arabe. Non daté (1934 ?).
17 Son grand-père était cadi, son père et son oncle occupaient des fonctions importantes dans les institutions de l’Administration française.
18 Malek Bennabi (1905-1973) témoigne de ce conflit familial dans ses mémoires : « Sa rupture avec sa famille – son père gros négociant, son frère avocat, sa femme petite bourgeoise gâtée – nous le rendait sympathique. » (Bennabi, 1965 : 112)
19 Al-Shihâb, « Association musulmane d’éducation et d’enseignement, à Constantine », année 10 (1934-35), n° 12, pas de signature, p. 513.
20 FR ANOM ALG GGA 3CAB39. Police Spéciale Départementale de Constantine à GGA, Constantine, le 5 août 1939.
21 Al-Baṣâʾir, « Nous voici face à face avec le bureau de propagande du gouvernement », 16 juin 1939, n° 170, signé Ibn Bâdîs.
22 Nous traduisons ici par « communautaire » le terme qawmî puisqu’il ne s’agit pas d’un enseignement « national » à proprement parler.
23 Al-Shihâb, « L’enseignement chez nous, et son besoin d’unification et d’organisation », année 13 (1937), n° 1, signé Aḥmad Ben Abî Zayyid al-Aghwâṭî (à Tunis), p. 28-32.
24 FR ANOM ALG ALGER 4I-70. « El Bassair, Extrait du n° du 30 juillet 1937 ».
25 Al-Baṣâʾir , « Le mouvement de l’enseignement cette année à la mosquée Sîdî al-Aḫḍâr et à l’école al-tarbiya wa al-taʿlîm », 25 juin 1937, n° 72, signé ʿAbd al-Majîd Hayrâsh al-Jazâʾirî, p. 1-3.
26 Al-Baṣâʾir , « Le mouvement de l’enseignement cette année à la mosquée Sîdî al-Aḫḍâr et à l’école al-tarbiya wa al-taʿlîm », 25 juin 1937, n° 72, signé ʿAbd al-Majîd Hayrâsh al-Jazâʾirî, p. 1-3.
27 FR ANOM ALG GGA 3CAB39. Alger, le 15 décembre 1938.
28 Al-Shihâb, « L’éducation musulmane et l’enseignement musulman », année 11 (1935), n° 1, p. 26-27, extrait d’al-Manâr, année 1933, vol. 34, n° 7, p. 544-548.
29 FR ANOM ALG ALGER 2U-16. Dossier de demande d’autorisation d’enseigner de M. Abdelkader Mettai, septembre 1938. Il est demandé un « certificat sur timbre faisant connaître les aptitudes du pétitionnaire et indiquant les localités où il a déjà enseigné ».
30 FR ANOM ALG GGA 3CAB39. Préfecture de Constantine, Constantine le 29 juin 1939. Cette archive de 1939 signale que Ibn Bâdîs enseigne depuis 1913 à la mosquée Sîdî al-Aḫḍâr, sans qu’une interruption y soit mentionnée. Peut-être l’influence familiale le protège-t-elle de l’Administration, mais c’est sans doute grâce à son strict respect de la légalité que Ibn Bâdîs a pu continuer son enseignement, tout en étant étroitement surveillé.
31 Al-Baṣâʾir, « Ô Dieu, viens au secours de l’islam et de la langue arabe en Algérie ! », 8 avril 1938, n° 107, signé Ibn Bâdîs.
32 Al-Baṣâʾir, « L’égalisation boiteuse », 3 août 1939, n° 177, signé Ibn Bâdîs.
33 Al-Baṣâʾir, « L’égalisation boiteuse » (al-musâwâ al-ʿarjâʾ), 3 août 1939, n° 177, signé Ibn Bâdîs.
34 Al-Baṣâʾir, « L’égalisation boiteuse » (al-musâwâ al-ʿarjâʾ), 3 août 1939, n° 177, signé Ibn Bâdîs.
35 Al-Baṣâʾir, « Ô Dieu, viens au secours de l’islam et de la langue arabe en Algérie ! », 8 avril 1938, n° 107, signé Ibn Bâdîs.
36 FR ANOM ALG GGA 3CAB28. Lettre ouverte aux élus des 3 départements, traduction d’un article paru dans al-Baṣâʾir le 22 avril 1938.
37 FR ANOM 3CAB28. Commissaire central de la police municipale de Tlemcen à GGA, Tlemcen, le 24 mars 1938.
38 L’offre d’enseignement n’y est pas aussi développée que dans les madrasa-s.